Historique du 15e RTS/75e RIMa
Créé le 1er avril 1919 comme 15e RTS
Devient 15e Régiment de Tirailleurs Coloniaux le 1er mai 1923
Devient 15e RTS le 28 février 1926
Dissous en application de l'article 4 de la Convention d'armistice du 22 juin 1940
Récréé en 1943 par changement d'appellation du 13e RTS
Devient 13e RTS le 15 mai 1948
Récréé le 15 mai 1948
Devient demi-brigade du 15e RTS le 1er janvier 1956
Devient 75e RIMa le 1er décembre 1958
Dissous le 1er décembre 1962
Le 15e RTS aura été le seul le régiment des Troupes Coloniales en garnison permanente en Algérie
Le phénix
L ' insigne de type I (15 ° RTS) a été créé en 1939 et la demande d'homologation présentée le 29 avril 1947 par le général Duché, commandant la 10e Région militaire. L'homologation (H315) a été accordée le 29 octobre 1947 par DM
n ° 10 780 EMA/3.I.
L'insigne de type II est la reprise du type I avec changement de sigle (75 ° RIMa); il n'a pas été homologué.
Le phénix, appelé aussi oiseau de feu, est un animal fabuleux de la grandeur d'un aigle, aux ailes rouges et dorées qui, dans la mythologie égyptienne, vivait plusieurs siècles, se brûlait lui-même sur un bûcher et renaissait de ses cendres. A l'époque chrétienne, il est devenu le symbole de la résurrection. Dans la mythologie chinoise, sa légende est liée à l'invention de la musique et de la danse.
Création du Régiment
Lors sa création, le 15 ° RTS est défini comme "un des plus jeunes régiments Indigènes".
Les 108e, 109e et 113e Bataillons Sénégalais de la division de Constantine deviennent, après dissolution, les 1er Bataillon (Chef de Bataillon Haberer), 2ème Bataillon (Chef de Bataillon Lamole), 3eme Bataillon (Chef de Bataillon Berger), du 15e Régiment de Tirailleurs Sénégalais.
Le lieutenant-colonel GATEAU prend le commandement de ce nouveau régiment avec, comme adjoint, le capitaine Bertrand faisant fonction de major.
Les Bataillons sont à 4 compagnies de fusiliers-voltigeurs et 1 compagnie de mitrailleuses.
L'implantation du régiment est la suivante:
- Etat-major et CHR: BISKRA
- 1er Bataillon:
Etat-major: BERNELLE
1e Cie PASTEUR
2e Cie BERNELLE
3e Cie N'GAOUS
4e Cie BARIKA
CMI CORNEILLE
- 2e Bataillon
En totalité à El KANTARA à l'exception d'un peloton de la 6e Cie détaché à TOUGGOURT et d'EL-OUED.
- 3e Bataillon
BISKRA
On peut constater que, dès sa création, le 15 ° RTS a une implantation très dispersée sur la région constantinoise. Au cours de son existence, les différents chefs de Corps ne cesseront de se plaindre de cette particularité qui rend difficile le maintien de la cohésion.
En mai 1919, un détachement de renfort part pour l'Armée d'Orient et un autre pour le Maroc.Les recrues qui les remplacent doivent être instruites alors que les cadres sont en nombre très insuffisant ." Mais si le régiment est de nouvelle formation, tous les cadres sont animés des belles qualites de l'arme; bonne humeur, persévérance, ténacité dans l'effort. 'Toutes les difficultés sont surmontées.
Les Sénégalais du 1er Bataillon supportent allègrement l'hiver rigoureux de Belezma, malgré des cantonnements peu confortables, car ils logent chez l'habitant (granges, hangars) ou dans des abris improvisés."
Les Tournées de Police
Entre 1919 et 1920, le régiment est amené à fournir de nombreux détachements, soit pour des tournées de police, soit pour des détachements de garde de camps.
En juillet 1919, deux détachements du 2e Bataillon partent en tournée de police; le premier dans la régoon de Jemmapes,puis dans celle d'EL-MILIA, Aïn-KECHERA; le second dans la région de FEZ N'Zala .
Puis, des détachements de garde sont envoyés aux camps de TOLGA et de FARFAR.
A la mi-octobre, la 7e Cie part en tournée de police dans L'Aurès; Arris, M'chouneche, avant de revenir à Biskra.
Enfin, la 1e Cie, formée en compagnie de marche, quitte PASTEUR pour opérer des tounées de police dans l'Aurès. Fractionnée en de nombreux détachements, elle ne rentrera à BISKRA qu'en novembre 1920.
«Pour ces journées de police, les Sénégalais sont particulierement appréciés par l'autorité territoriale car nos tirailleurs ont peu de relations avec les Arabes, sont complétement indifférents à leurs querelles particulières ou leurs intérêts spéciaux et, dans les missions qui leur sont confiées ils continuent les traditions de discipline, de cohésion et de tenue qui ont toujours fait la force des Sénégalais ».
Départ du 3e Bataillon pour L'Orient
Le 26 octobre 1919 après un sérieux entraînement, le 3e Bataillon quitte BISKRA pour l'Armée d'Orient et rejoint le 17e RTS.
Le régiment reste constitué de deux bataillons jusqu'au 1er octobre 1920 date à laquelle le 94e BTS devient le 3e Bataillon du 15 ° RTS.
Du 1er janvier 1922 à avril 1925, le 15 ° RTS est constitué de 3 bataillons comprenant chacun 3 Compagnies de FV et 1 Compagnie de mitrailleuses.
Emplacement des unités du corps au 1er février 1922
Etat-major et CHR Philippeville
1er Bataillon
Etat-major, 1e Cie, 2e Cie, CMI Djidjelli
3e Cie El-Milia
2e Bataillon: en entier à Biskra avec détachements à El-Kantara, Touggourt et El-Oued
3e Bataillon: Etat-major, 9e Cie, 10e Cie, CM3 à Philippeville
11e Cie à Collo
Création de la nouba en septembre 1939
Le 15°RTS reçoit son drapeau qui est presenté aux troupes le 27 janvier 1921
Changement de dénomination et affectation du Corps à la 7eme Brigade d'Infanterie d'Algérie
Le 1er mai 1923, la dénomination de tirailleurs sénégalais est changée pour celle de tirailleurs coloniaux jusqu'au 28 février 1926, date à laquelle le régiment reprend sa première dénomination.
Le Commandement Supérieur des Troupes Noires, dont dépendait le régiment depuis sa création, étant suprimé le 1er janvier 1924, le corps est rattaché à la 7eme Brigade d'Infanterie à Sétif.
La campagne du Maroc
Le 18 avril 1925, le 2eme Bataillon du 15°RTC part pour le Maroc par voie ferrée à destination d'Oujda et le commandant GONDALMA en prend le commandement à GUERCIF le 29 avril 1925.
Ce bataillon comprend 4 compagnies ayant chacune un groupe de mitrailleuses. La CM2 reste à Biskra comme unité administrative et la 10eme compagnie forme la 4eme compagnie du bataillon.
Principales actions menées par le Bataillon:
Attaque de BIBANE le 13 mai et le 25 mai 1925
Organisation et défense du poste de FEZ-EL-BALI (mai-août 1925)
Organisation et défense du poste de KELAA dès SLESS (mai-août 1925)
Attaque de SKER le 11 septembre 1925
Attaque de BOU AZZOUN et MOULAYE DJENANE le 12 septembre 1925
Bilan de la campagne du Maroc
5 citations à l'ordre de l'Armée
38 citations à l'ordre de la Division
20 citations à l'ordre de la Brigade
13 citations à l'ordre du Régiment
Tués à l'ennemi: 13
Blessés: Européens 5
Indigènes: 18
La campagne de 1940
" Un détachement du régiment part en renfort pour la métropole où il devient le 3/33eme RICMS. Il participe aux combats de Dury, Hebecourt, Sauflieu, Gratteponche et subit de durs bombardements. Pendant cette campagne, les Africains se sont distingués par leur moral élevé, leur discipline, malgré le manque de ravitaillement et les longues marches sous les bombardements."
La campagne de Tunisie
(novembre 1942-juin 1943)
Le 15°RTS, stationné en Algérie, ne quitta pas l'Afrique du Nord durant la seconde guerre mondiale. Par contre, il prit une part active à la campagne de Tunisie (19e Corps d'Armée français, Général Koeltz) où il s'illustra sous le commandement du Colonel Morlière.
Cet épisode, le plus glorieux vécu par le régiment, est malheureusement peu connu. Et pourtant, le 15°RTS a été l'un des premiers régiments français à reprendre le combat.
Dès le 9 novembre 1942, lendemain du débarquement des Alliés en Afrique du Nord, le 2eme Bataillon quitte Constantine pour le front du Nord Tunisien alors que le même jour, les premiers avions allemands se sont posés à Tunis El-Aouïna.
Son action, au cours de cette campagne, comporte 3 phases:
- le Sud Tunisien (novembre 1942-fin février 1943)
- la défensive (mars et avril 1943
- l'offensive (avril-mai 1943)
La campagne terminée, les ordres suivants sont diffusés:
Ordre de la Division n°6
Ordre Général n°134
Ordre Général, en date du 13 mai, du Général Juin
Ordre du régiment n°74, en date du 19 mai
Pertes
3 officiers
4 sous-officiers européens
3 soldats européens
4 sous-officiers indigènes
4 caporaux indigènes
31 tirailleurs
"Soit au total, 51 militaires dont les tombes, qui s'échelonnent de la région de Gafsa à celle du Djebel Mansour ou du Zaghouan, constituent la trace glorieuse suivie par la 15°RTS dans les combats de Tunisie."
(Ce total, qui sera repris dans les correspondances futures relatives à l'inscription "Tunisie" au drapeau du régiment, est différente du détail ci-dessus (49 et 51). Cela est probablement dû à 2 morts supplémentaires suite blessures, non comptabilisés dans le premier bilan. (ndlr)
Citations
16 à l'ordre de l'Armée
7 à l'ordre du Corps d'Armée
25 à l'ordre de la Division
49 à l'ordre de la Brigade
136 à l'ordre du Régiment
Soit un total de 233 citations
Néanmoins, le rôle et les mérites du Régiment ne seront reconnus que tardivement, et avec réticence. Il suffira pour s'en convaincre de se reporter à l'historique de son drapeau.
REPUBLIQUE FRANCAISE
GUERRE 1939-1945
Citation Décision n°7 Le Secrétaire d'Etat aux Forces Armées "Guerre" cite:
à l'Ordre du Corps d'Armée
15eme Régiment de Tirailleurs Sénégalais
" Magnifique unité de combat (qui, sous les ordres du Colonel Morlière,) lançé contre les forces de l'Axe dès le début de la campagne de Tunisie, y a montré une ardeur et une ténacité dignes d'éloges. distingué au combat de Sidi N'Sir le 21 novembre 1942, mettant l'ennemi en fuite par unebrillante contre-attaque, lui détruisant 4 chars et s'emparant de matériel et de prisonniers. Le 22 février 1943, à Aïn-El-Amara a interdit à l'adversaire le débouché du plateau de Bouchebka, rétablissant la situation et faisant, par son attitude résolue, la plus grande impression sur les forces américaines prêtes à la retraite.
A treminé la campagne avec l'attaque victorieuse du Djebel Mansour le 25 avril 1943 et, du 7 au 13 mai, du Massif du Zaghouan, capturant plusieurs centaines de prisonniers et s'emparant d'un matériel considérable."
Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec Etoile de Vermeil, mais ne donne pas droit au bénéfice de la Croix de Guerre au Colonel Morlière déjà cité pour les mêmes faits.
Fait à Paris, le 30 janvier 1950
Signé: Max Lejeune
Témoignage d'un ancien
"(...) Fin novembre (1942), après une instruction sommaire et quelques manœuvres, nous sommes envoyés dans le Sud-Tunisien après quelques incidents avec l'aviation allemande à Tebessa où sont entreposées d'énormes quantités de munitions anglo-américaines.
Arrivé à Gafsa, le 15°RTS prend position.
(...) Nous sommes là pour établir un front puisque Rommel commence à reculer en Libye devant les assauts des Anglais, mais aussi devant la remontée du Tchad du Général Leclerc.
Les Allemands attaquent la ligne Marret pour remonter vers Tunis. La ligne cède devant l'Afrika Korps, quelque 200 chars et l'aviation.
Nous sommes constamment en alerte. L'armement français est dérisoire; nous avons encore de vieux fusils Lebel et des Mas 36, mais peu de cartouches. Les mitrailleuses Hotchkiss tiennent malgré leur grand âge, mais il y a surtout nos poitrines de Blancs et de Noirs. Les Américains, à 5 km au nord de Gafsa, sont bien armés mais pas assez nombreux pour le cas où nous serions écrasés.
Le 15°RTS tient le sud en direction de Tozeur. C'est évidemment le coin le plus dangereux. Nous avons l'avantage de tenir aussi la jolie palmeraie. Nous minons routes et pistes; malheureusement, quelques fois, un des nôtres rentrant de patrouille de nuit saute.
L'aviation-mouchard des Allemands, qui savaient certainement que nous étions dans le sud, cherchait à connaître notre force. Nous étions tapis dans nos tranchées qui nous servaient de dortoir, salle à manger, lieu de marche, en compagnie d'araignées noires et souvent de scorpions.
Il semble que le 15°RTS soit là pour faire croire à Rommel qu'une très importante force française les attend au sud, vu l'importante longueur des tranchées, dont une partie est inutile mais impressionnante; mais le Général de Montsabert sait ce qu'il fait.
Le 15°RTS est seul à faire des incursions risquées plus au sud afin de tromper le Commandement allemand, et ceci de jour comme de nuit. Nous minons les ponts importants sur les grands oueds, qui sont généralement secs mais profonds, et ce sur des kilomètres.
(...) Nous rencontrons des gens qui fuient Tozeur et qui nous donnent des informations; Rommel avance. Nous détruisons les gares et lignes de chemin de fer. Nous apprenons que Gabès vient de tomber et commençons à nous préparer.
Les Américains arrivent, venant renforcer ceux qui tiennent Gafsa Nord, tous bien armés, mais ils manquent de préparation et se croient en vacances...Voyant Rommel avancer vite, ils se replient, nous laissent un bataillon avec de l'artillerie, et partent rejoindre les régiments franco-alliés dans la plaine de Kasserine.
Il semble que Rommel, croyant à l'importance des troupes en face de lui secteur de Gafsa, se dirige, en nous contournant, vers la frontière algéro-tunisienne peu protégée à cet endroit. Il prend Makansky plus à l'est de Gafsa.
(...) il faut se replier sur Ferriana, à la frontière...Pour nous, se replier, Français et Américains, prend l'allure d'une fuite.
Le pauvre 15°RTS part à pieds après avoir fait sauter tout ce qui ne pouvait être emmené. Les Américains eux, ont des camions, nous, nos mulets qui étaient cachés dans la palmeraie. Depuis notre arrivée ils sont chargés de mitrailleuses et de munitions; nous aussi devenons des mulets. Le gros matériel est chargé sur trois gros camions dont un est américain. Notre popote fumante, qui elle, est mécanisée, marche à notre cadence pour nous donner le café du matin et un quignon de pain que nous mangeons en marchant; mais pour la nourriture...De plus, il pleut à torrents ce mois de février 43.
Au passage, nous voyons des Américains faire sauter des avions sur la route. Ils nous doublent avec leurs camions. De temps en temps, ils nous jettent de quoi boire et des biscuits qui tombent dans la boue sablonneuse.
A un moment, mes croquenots me font tellement mal que je m'assieds sur le bord de la route pour me panser le pied. Un Américain, par gentillesse, me crie: "Hello Ginger (le blond) et me lance une paire de chaussures. Hélas ! c'était les deux mêmes pieds...
Il faut marcher de nuit pour tromper les avions mouchards. Nous sommes dans une région boisée, ce qui est bien pour nous cacher le jour, car nous allons bientôt arriver au col de Feriana (avec la neige), seul passage, parmi ces kilomètres de hauteurs, pour atteindre l'Algérie.
Le 15°RTS, seul dans le coin, doit tenir ses positions. Cette fois, nous sommes mieux armés, toujours avec nos vieux fusils, mais avec une importante artillerie et des chars, en bas dans la plaine tenue par les Américains. Nos mulets sont cachés à 3 km dans la forêt...avec la soupe qu'il faut aller chercher la nuit tombée et qui arrive souvent froide.
Nous recommençons à creuser des casemates pour nos nids de mitrailleuses entre deux alertes aériennes. La nuit, défense de fumer et de faire trop de bruit. Nous restons le plus possible dans nos trous; très pratique quand vous avez des douleurs intestinales et qu'il faut aller tout de même aller poser culotte dans la neige, la nuit...La soupe arrive de temps en temps, mais froide.
L'aviation allemande de reconnaissance de ce point stratégique n'a pas idée de notre importance. Cependant, des avances larvées de Rommel se heurtent à nos chars et canons pendant une dizaine de jours. Rommel s'éloigne ensuite de cette région pour porter secours à ses divisions dans la plaine de Kasserine, et c'est l'hécatombe en deux jours pour nos alliés. Rommel passe malgré d'énormes pertes et rejoint la côte. De nombreux camions viennent chercher le 15°RTS et, par des chemins ou pistes détournés, nous fonçons vers Sfax où nous rejoignons le reste de nos troupes.
Le 15°RTS arrive avant les Allemands qui nous contournent vers l'est et engage la poursuite jusqu'à Kairouan. Mieux motorisés, ces derniers n'y sont déjà plus.
Le régiment est à nouveau dévié vers la côte, à Sousse. Les Allemands remontent toujours vers le nord jusqu'au port d'Afidavil où l'aviation alliée les attend et où ils subissent de très lourdes pertes. Leurs troupes se regroupent et fonçent vers Fath et Zaghouan (haute montagne); le 15°RTS et les alliés également. A Zaghouan les Allemands opposent une formidable résistance. Il paraît qu'ils avaient construit un terrain d'aviation pour 4 ou 5 avions au sommet de la montagne, laquelle était truffée de casemates, de positions d'artillerie, de galeries...à croire qu'ils croyaient passer le restant de leur vie dans cette cité naturelle, alors que leurs divisions se replient partout.
Nous nous apprêtions à en baver pour monter à l'assaut de ces collines environnantes où nous pouvions apercevoir des dizaines de chars; cela promettait de lourdes pertes. Mais l'ordre d'attaquer est suspendu, le Commandement ayant probablement tenu compte de l'importance des défenses ennemies. Pendant toute la journée, l'aviation anglo-américaine a pilonné provoquant d'énormes explosions. Nous ne sommes pas loin et nos oreilles n'en peuvent plus; alors là-haut...cela devait être pire !
Le lendemain, le 15°RTS monte à l'assaut, comme la Légion 2 km plus loin. Nos attaques se transforment en promenade furieuse sous l'effet d'une délicieuse gnôle puant l'essence dont on nous avait abreuvés. Manquant de récipients à la roulante derrière notre ligne d'attaque, ils avaient mis l'alcool dans des jerricans...
L'aviation anglaise nous aide beaucoup en pilonnant à 500 m devant nous qui montons sur les flancs de la montagne. Nos Africains s'affolent. Je fais uriner mes hommes dans le réservoir de nos mitrailleuses américaines avant que le canon ne devienne rouge...Nous voyons sur les hauteurs des hommes qui s'enfuient.
Nos assauts successifs nous amènent aux premières casemates où nous ne trouvons que peu de morts. Ces casemates sont presque confortables et bien armées. Nous aurons peu de pertes; l'aviation ayant fait un sacré nettoyage, il ne sera pas nécessaire de continuer la montée. De là-haut nous voyons brûler ces chars vus la veille. Nous apprendrons que c'était un trompe-l'oeil, car ils étaient en bois, grossièrement confectionnés.
Nous redescendrons l'autre flanc. Les Allemands fuient vers Tunis où les attendent de nombreux bateaux. Ils font encore des dégâts mais subiront de lourdes pertes. Néanmoins, beaucoup pourront embarquer vers la Sicile où commencera la campagne d'Italie. Nous voyons de nombreux avions anglais exploser en vol.
Pendant ce temps, le 15°RTS revient dans la plaine du Fath où il prend ses quartiers de police pour la garde de 6000 prisonniers regroupés là pendant notre attaque; en particulier 4000 hommes de la division italienne du Général Badoglio et 2000 allemands particulièrement arrogants, lesquels provoquent quelques réflexes violents de notre part. Nos rapports seront plus humains avec les Italiens, nos traîtres cousins. Les distributions d'eau, par 35° à l'ombre, sont souvent à l'origine de scènes dures et "ça pue". Les prisonniers font sans cesse des latrines...nous mêmes ne sommes guère à l'aise, plus loin sous nos tentes, mais nous sommes au moins à l'abri du soleil et bien ravitaillés. Quelques prisonniers mourront sous ce climat et nos Noirs les enterrent...(...)
Le 15°RTS retournera à Philippeville par le train et prendra la dénomination de troupe de souveraineté, mais en réalité de police, car des émeutes commencent un peu partout, notamment à Sétif et Constantine où le 15°RTS et la Légion seront amenés à remettre de l'ordre..."
Témoignage de Jack Charpentier, engagé en février 1943, d'après les notes prises à l'époque. (Extraits).
Source: "Un soldat d'occasion raconte...le 15eme RTS" (Jacques Martin)
Devient 15e Régiment de Tirailleurs Coloniaux le 1er mai 1923
Devient 15e RTS le 28 février 1926
Dissous en application de l'article 4 de la Convention d'armistice du 22 juin 1940
Récréé en 1943 par changement d'appellation du 13e RTS
Devient 13e RTS le 15 mai 1948
Récréé le 15 mai 1948
Devient demi-brigade du 15e RTS le 1er janvier 1956
Devient 75e RIMa le 1er décembre 1958
Dissous le 1er décembre 1962
Le 15e RTS aura été le seul le régiment des Troupes Coloniales en garnison permanente en Algérie
Le phénix
L ' insigne de type I (15 ° RTS) a été créé en 1939 et la demande d'homologation présentée le 29 avril 1947 par le général Duché, commandant la 10e Région militaire. L'homologation (H315) a été accordée le 29 octobre 1947 par DM
n ° 10 780 EMA/3.I.
L'insigne de type II est la reprise du type I avec changement de sigle (75 ° RIMa); il n'a pas été homologué.
Le phénix, appelé aussi oiseau de feu, est un animal fabuleux de la grandeur d'un aigle, aux ailes rouges et dorées qui, dans la mythologie égyptienne, vivait plusieurs siècles, se brûlait lui-même sur un bûcher et renaissait de ses cendres. A l'époque chrétienne, il est devenu le symbole de la résurrection. Dans la mythologie chinoise, sa légende est liée à l'invention de la musique et de la danse.
Création du Régiment
Lors sa création, le 15 ° RTS est défini comme "un des plus jeunes régiments Indigènes".
Les 108e, 109e et 113e Bataillons Sénégalais de la division de Constantine deviennent, après dissolution, les 1er Bataillon (Chef de Bataillon Haberer), 2ème Bataillon (Chef de Bataillon Lamole), 3eme Bataillon (Chef de Bataillon Berger), du 15e Régiment de Tirailleurs Sénégalais.
Le lieutenant-colonel GATEAU prend le commandement de ce nouveau régiment avec, comme adjoint, le capitaine Bertrand faisant fonction de major.
Les Bataillons sont à 4 compagnies de fusiliers-voltigeurs et 1 compagnie de mitrailleuses.
L'implantation du régiment est la suivante:
- Etat-major et CHR: BISKRA
- 1er Bataillon:
Etat-major: BERNELLE
1e Cie PASTEUR
2e Cie BERNELLE
3e Cie N'GAOUS
4e Cie BARIKA
CMI CORNEILLE
- 2e Bataillon
En totalité à El KANTARA à l'exception d'un peloton de la 6e Cie détaché à TOUGGOURT et d'EL-OUED.
- 3e Bataillon
BISKRA
On peut constater que, dès sa création, le 15 ° RTS a une implantation très dispersée sur la région constantinoise. Au cours de son existence, les différents chefs de Corps ne cesseront de se plaindre de cette particularité qui rend difficile le maintien de la cohésion.
En mai 1919, un détachement de renfort part pour l'Armée d'Orient et un autre pour le Maroc.Les recrues qui les remplacent doivent être instruites alors que les cadres sont en nombre très insuffisant ." Mais si le régiment est de nouvelle formation, tous les cadres sont animés des belles qualites de l'arme; bonne humeur, persévérance, ténacité dans l'effort. 'Toutes les difficultés sont surmontées.
Les Sénégalais du 1er Bataillon supportent allègrement l'hiver rigoureux de Belezma, malgré des cantonnements peu confortables, car ils logent chez l'habitant (granges, hangars) ou dans des abris improvisés."
Les Tournées de Police
Entre 1919 et 1920, le régiment est amené à fournir de nombreux détachements, soit pour des tournées de police, soit pour des détachements de garde de camps.
En juillet 1919, deux détachements du 2e Bataillon partent en tournée de police; le premier dans la régoon de Jemmapes,puis dans celle d'EL-MILIA, Aïn-KECHERA; le second dans la région de FEZ N'Zala .
Puis, des détachements de garde sont envoyés aux camps de TOLGA et de FARFAR.
A la mi-octobre, la 7e Cie part en tournée de police dans L'Aurès; Arris, M'chouneche, avant de revenir à Biskra.
Enfin, la 1e Cie, formée en compagnie de marche, quitte PASTEUR pour opérer des tounées de police dans l'Aurès. Fractionnée en de nombreux détachements, elle ne rentrera à BISKRA qu'en novembre 1920.
«Pour ces journées de police, les Sénégalais sont particulierement appréciés par l'autorité territoriale car nos tirailleurs ont peu de relations avec les Arabes, sont complétement indifférents à leurs querelles particulières ou leurs intérêts spéciaux et, dans les missions qui leur sont confiées ils continuent les traditions de discipline, de cohésion et de tenue qui ont toujours fait la force des Sénégalais ».
Départ du 3e Bataillon pour L'Orient
Le 26 octobre 1919 après un sérieux entraînement, le 3e Bataillon quitte BISKRA pour l'Armée d'Orient et rejoint le 17e RTS.
Le régiment reste constitué de deux bataillons jusqu'au 1er octobre 1920 date à laquelle le 94e BTS devient le 3e Bataillon du 15 ° RTS.
Du 1er janvier 1922 à avril 1925, le 15 ° RTS est constitué de 3 bataillons comprenant chacun 3 Compagnies de FV et 1 Compagnie de mitrailleuses.
Emplacement des unités du corps au 1er février 1922
Etat-major et CHR Philippeville
1er Bataillon
Etat-major, 1e Cie, 2e Cie, CMI Djidjelli
3e Cie El-Milia
2e Bataillon: en entier à Biskra avec détachements à El-Kantara, Touggourt et El-Oued
3e Bataillon: Etat-major, 9e Cie, 10e Cie, CM3 à Philippeville
11e Cie à Collo
Création de la nouba en septembre 1939
Le 15°RTS reçoit son drapeau qui est presenté aux troupes le 27 janvier 1921
Changement de dénomination et affectation du Corps à la 7eme Brigade d'Infanterie d'Algérie
Le 1er mai 1923, la dénomination de tirailleurs sénégalais est changée pour celle de tirailleurs coloniaux jusqu'au 28 février 1926, date à laquelle le régiment reprend sa première dénomination.
Le Commandement Supérieur des Troupes Noires, dont dépendait le régiment depuis sa création, étant suprimé le 1er janvier 1924, le corps est rattaché à la 7eme Brigade d'Infanterie à Sétif.
La campagne du Maroc
Le 18 avril 1925, le 2eme Bataillon du 15°RTC part pour le Maroc par voie ferrée à destination d'Oujda et le commandant GONDALMA en prend le commandement à GUERCIF le 29 avril 1925.
Ce bataillon comprend 4 compagnies ayant chacune un groupe de mitrailleuses. La CM2 reste à Biskra comme unité administrative et la 10eme compagnie forme la 4eme compagnie du bataillon.
Principales actions menées par le Bataillon:
Attaque de BIBANE le 13 mai et le 25 mai 1925
Organisation et défense du poste de FEZ-EL-BALI (mai-août 1925)
Organisation et défense du poste de KELAA dès SLESS (mai-août 1925)
Attaque de SKER le 11 septembre 1925
Attaque de BOU AZZOUN et MOULAYE DJENANE le 12 septembre 1925
Bilan de la campagne du Maroc
5 citations à l'ordre de l'Armée
38 citations à l'ordre de la Division
20 citations à l'ordre de la Brigade
13 citations à l'ordre du Régiment
Tués à l'ennemi: 13
Blessés: Européens 5
Indigènes: 18
La campagne de 1940
" Un détachement du régiment part en renfort pour la métropole où il devient le 3/33eme RICMS. Il participe aux combats de Dury, Hebecourt, Sauflieu, Gratteponche et subit de durs bombardements. Pendant cette campagne, les Africains se sont distingués par leur moral élevé, leur discipline, malgré le manque de ravitaillement et les longues marches sous les bombardements."
La campagne de Tunisie
(novembre 1942-juin 1943)
Le 15°RTS, stationné en Algérie, ne quitta pas l'Afrique du Nord durant la seconde guerre mondiale. Par contre, il prit une part active à la campagne de Tunisie (19e Corps d'Armée français, Général Koeltz) où il s'illustra sous le commandement du Colonel Morlière.
Cet épisode, le plus glorieux vécu par le régiment, est malheureusement peu connu. Et pourtant, le 15°RTS a été l'un des premiers régiments français à reprendre le combat.
Dès le 9 novembre 1942, lendemain du débarquement des Alliés en Afrique du Nord, le 2eme Bataillon quitte Constantine pour le front du Nord Tunisien alors que le même jour, les premiers avions allemands se sont posés à Tunis El-Aouïna.
Son action, au cours de cette campagne, comporte 3 phases:
- le Sud Tunisien (novembre 1942-fin février 1943)
- la défensive (mars et avril 1943
- l'offensive (avril-mai 1943)
La campagne terminée, les ordres suivants sont diffusés:
Ordre de la Division n°6
Ordre Général n°134
Ordre Général, en date du 13 mai, du Général Juin
Ordre du régiment n°74, en date du 19 mai
Pertes
3 officiers
4 sous-officiers européens
3 soldats européens
4 sous-officiers indigènes
4 caporaux indigènes
31 tirailleurs
"Soit au total, 51 militaires dont les tombes, qui s'échelonnent de la région de Gafsa à celle du Djebel Mansour ou du Zaghouan, constituent la trace glorieuse suivie par la 15°RTS dans les combats de Tunisie."
(Ce total, qui sera repris dans les correspondances futures relatives à l'inscription "Tunisie" au drapeau du régiment, est différente du détail ci-dessus (49 et 51). Cela est probablement dû à 2 morts supplémentaires suite blessures, non comptabilisés dans le premier bilan. (ndlr)
Citations
16 à l'ordre de l'Armée
7 à l'ordre du Corps d'Armée
25 à l'ordre de la Division
49 à l'ordre de la Brigade
136 à l'ordre du Régiment
Soit un total de 233 citations
Néanmoins, le rôle et les mérites du Régiment ne seront reconnus que tardivement, et avec réticence. Il suffira pour s'en convaincre de se reporter à l'historique de son drapeau.
REPUBLIQUE FRANCAISE
GUERRE 1939-1945
Citation Décision n°7 Le Secrétaire d'Etat aux Forces Armées "Guerre" cite:
à l'Ordre du Corps d'Armée
15eme Régiment de Tirailleurs Sénégalais
" Magnifique unité de combat (qui, sous les ordres du Colonel Morlière,) lançé contre les forces de l'Axe dès le début de la campagne de Tunisie, y a montré une ardeur et une ténacité dignes d'éloges. distingué au combat de Sidi N'Sir le 21 novembre 1942, mettant l'ennemi en fuite par unebrillante contre-attaque, lui détruisant 4 chars et s'emparant de matériel et de prisonniers. Le 22 février 1943, à Aïn-El-Amara a interdit à l'adversaire le débouché du plateau de Bouchebka, rétablissant la situation et faisant, par son attitude résolue, la plus grande impression sur les forces américaines prêtes à la retraite.
A treminé la campagne avec l'attaque victorieuse du Djebel Mansour le 25 avril 1943 et, du 7 au 13 mai, du Massif du Zaghouan, capturant plusieurs centaines de prisonniers et s'emparant d'un matériel considérable."
Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec Etoile de Vermeil, mais ne donne pas droit au bénéfice de la Croix de Guerre au Colonel Morlière déjà cité pour les mêmes faits.
Fait à Paris, le 30 janvier 1950
Signé: Max Lejeune
Témoignage d'un ancien
"(...) Fin novembre (1942), après une instruction sommaire et quelques manœuvres, nous sommes envoyés dans le Sud-Tunisien après quelques incidents avec l'aviation allemande à Tebessa où sont entreposées d'énormes quantités de munitions anglo-américaines.
Arrivé à Gafsa, le 15°RTS prend position.
(...) Nous sommes là pour établir un front puisque Rommel commence à reculer en Libye devant les assauts des Anglais, mais aussi devant la remontée du Tchad du Général Leclerc.
Les Allemands attaquent la ligne Marret pour remonter vers Tunis. La ligne cède devant l'Afrika Korps, quelque 200 chars et l'aviation.
Nous sommes constamment en alerte. L'armement français est dérisoire; nous avons encore de vieux fusils Lebel et des Mas 36, mais peu de cartouches. Les mitrailleuses Hotchkiss tiennent malgré leur grand âge, mais il y a surtout nos poitrines de Blancs et de Noirs. Les Américains, à 5 km au nord de Gafsa, sont bien armés mais pas assez nombreux pour le cas où nous serions écrasés.
Le 15°RTS tient le sud en direction de Tozeur. C'est évidemment le coin le plus dangereux. Nous avons l'avantage de tenir aussi la jolie palmeraie. Nous minons routes et pistes; malheureusement, quelques fois, un des nôtres rentrant de patrouille de nuit saute.
L'aviation-mouchard des Allemands, qui savaient certainement que nous étions dans le sud, cherchait à connaître notre force. Nous étions tapis dans nos tranchées qui nous servaient de dortoir, salle à manger, lieu de marche, en compagnie d'araignées noires et souvent de scorpions.
Il semble que le 15°RTS soit là pour faire croire à Rommel qu'une très importante force française les attend au sud, vu l'importante longueur des tranchées, dont une partie est inutile mais impressionnante; mais le Général de Montsabert sait ce qu'il fait.
Le 15°RTS est seul à faire des incursions risquées plus au sud afin de tromper le Commandement allemand, et ceci de jour comme de nuit. Nous minons les ponts importants sur les grands oueds, qui sont généralement secs mais profonds, et ce sur des kilomètres.
(...) Nous rencontrons des gens qui fuient Tozeur et qui nous donnent des informations; Rommel avance. Nous détruisons les gares et lignes de chemin de fer. Nous apprenons que Gabès vient de tomber et commençons à nous préparer.
Les Américains arrivent, venant renforcer ceux qui tiennent Gafsa Nord, tous bien armés, mais ils manquent de préparation et se croient en vacances...Voyant Rommel avancer vite, ils se replient, nous laissent un bataillon avec de l'artillerie, et partent rejoindre les régiments franco-alliés dans la plaine de Kasserine.
Il semble que Rommel, croyant à l'importance des troupes en face de lui secteur de Gafsa, se dirige, en nous contournant, vers la frontière algéro-tunisienne peu protégée à cet endroit. Il prend Makansky plus à l'est de Gafsa.
(...) il faut se replier sur Ferriana, à la frontière...Pour nous, se replier, Français et Américains, prend l'allure d'une fuite.
Le pauvre 15°RTS part à pieds après avoir fait sauter tout ce qui ne pouvait être emmené. Les Américains eux, ont des camions, nous, nos mulets qui étaient cachés dans la palmeraie. Depuis notre arrivée ils sont chargés de mitrailleuses et de munitions; nous aussi devenons des mulets. Le gros matériel est chargé sur trois gros camions dont un est américain. Notre popote fumante, qui elle, est mécanisée, marche à notre cadence pour nous donner le café du matin et un quignon de pain que nous mangeons en marchant; mais pour la nourriture...De plus, il pleut à torrents ce mois de février 43.
Au passage, nous voyons des Américains faire sauter des avions sur la route. Ils nous doublent avec leurs camions. De temps en temps, ils nous jettent de quoi boire et des biscuits qui tombent dans la boue sablonneuse.
A un moment, mes croquenots me font tellement mal que je m'assieds sur le bord de la route pour me panser le pied. Un Américain, par gentillesse, me crie: "Hello Ginger (le blond) et me lance une paire de chaussures. Hélas ! c'était les deux mêmes pieds...
Il faut marcher de nuit pour tromper les avions mouchards. Nous sommes dans une région boisée, ce qui est bien pour nous cacher le jour, car nous allons bientôt arriver au col de Feriana (avec la neige), seul passage, parmi ces kilomètres de hauteurs, pour atteindre l'Algérie.
Le 15°RTS, seul dans le coin, doit tenir ses positions. Cette fois, nous sommes mieux armés, toujours avec nos vieux fusils, mais avec une importante artillerie et des chars, en bas dans la plaine tenue par les Américains. Nos mulets sont cachés à 3 km dans la forêt...avec la soupe qu'il faut aller chercher la nuit tombée et qui arrive souvent froide.
Nous recommençons à creuser des casemates pour nos nids de mitrailleuses entre deux alertes aériennes. La nuit, défense de fumer et de faire trop de bruit. Nous restons le plus possible dans nos trous; très pratique quand vous avez des douleurs intestinales et qu'il faut aller tout de même aller poser culotte dans la neige, la nuit...La soupe arrive de temps en temps, mais froide.
L'aviation allemande de reconnaissance de ce point stratégique n'a pas idée de notre importance. Cependant, des avances larvées de Rommel se heurtent à nos chars et canons pendant une dizaine de jours. Rommel s'éloigne ensuite de cette région pour porter secours à ses divisions dans la plaine de Kasserine, et c'est l'hécatombe en deux jours pour nos alliés. Rommel passe malgré d'énormes pertes et rejoint la côte. De nombreux camions viennent chercher le 15°RTS et, par des chemins ou pistes détournés, nous fonçons vers Sfax où nous rejoignons le reste de nos troupes.
Le 15°RTS arrive avant les Allemands qui nous contournent vers l'est et engage la poursuite jusqu'à Kairouan. Mieux motorisés, ces derniers n'y sont déjà plus.
Le régiment est à nouveau dévié vers la côte, à Sousse. Les Allemands remontent toujours vers le nord jusqu'au port d'Afidavil où l'aviation alliée les attend et où ils subissent de très lourdes pertes. Leurs troupes se regroupent et fonçent vers Fath et Zaghouan (haute montagne); le 15°RTS et les alliés également. A Zaghouan les Allemands opposent une formidable résistance. Il paraît qu'ils avaient construit un terrain d'aviation pour 4 ou 5 avions au sommet de la montagne, laquelle était truffée de casemates, de positions d'artillerie, de galeries...à croire qu'ils croyaient passer le restant de leur vie dans cette cité naturelle, alors que leurs divisions se replient partout.
Nous nous apprêtions à en baver pour monter à l'assaut de ces collines environnantes où nous pouvions apercevoir des dizaines de chars; cela promettait de lourdes pertes. Mais l'ordre d'attaquer est suspendu, le Commandement ayant probablement tenu compte de l'importance des défenses ennemies. Pendant toute la journée, l'aviation anglo-américaine a pilonné provoquant d'énormes explosions. Nous ne sommes pas loin et nos oreilles n'en peuvent plus; alors là-haut...cela devait être pire !
Le lendemain, le 15°RTS monte à l'assaut, comme la Légion 2 km plus loin. Nos attaques se transforment en promenade furieuse sous l'effet d'une délicieuse gnôle puant l'essence dont on nous avait abreuvés. Manquant de récipients à la roulante derrière notre ligne d'attaque, ils avaient mis l'alcool dans des jerricans...
L'aviation anglaise nous aide beaucoup en pilonnant à 500 m devant nous qui montons sur les flancs de la montagne. Nos Africains s'affolent. Je fais uriner mes hommes dans le réservoir de nos mitrailleuses américaines avant que le canon ne devienne rouge...Nous voyons sur les hauteurs des hommes qui s'enfuient.
Nos assauts successifs nous amènent aux premières casemates où nous ne trouvons que peu de morts. Ces casemates sont presque confortables et bien armées. Nous aurons peu de pertes; l'aviation ayant fait un sacré nettoyage, il ne sera pas nécessaire de continuer la montée. De là-haut nous voyons brûler ces chars vus la veille. Nous apprendrons que c'était un trompe-l'oeil, car ils étaient en bois, grossièrement confectionnés.
Nous redescendrons l'autre flanc. Les Allemands fuient vers Tunis où les attendent de nombreux bateaux. Ils font encore des dégâts mais subiront de lourdes pertes. Néanmoins, beaucoup pourront embarquer vers la Sicile où commencera la campagne d'Italie. Nous voyons de nombreux avions anglais exploser en vol.
Pendant ce temps, le 15°RTS revient dans la plaine du Fath où il prend ses quartiers de police pour la garde de 6000 prisonniers regroupés là pendant notre attaque; en particulier 4000 hommes de la division italienne du Général Badoglio et 2000 allemands particulièrement arrogants, lesquels provoquent quelques réflexes violents de notre part. Nos rapports seront plus humains avec les Italiens, nos traîtres cousins. Les distributions d'eau, par 35° à l'ombre, sont souvent à l'origine de scènes dures et "ça pue". Les prisonniers font sans cesse des latrines...nous mêmes ne sommes guère à l'aise, plus loin sous nos tentes, mais nous sommes au moins à l'abri du soleil et bien ravitaillés. Quelques prisonniers mourront sous ce climat et nos Noirs les enterrent...(...)
Le 15°RTS retournera à Philippeville par le train et prendra la dénomination de troupe de souveraineté, mais en réalité de police, car des émeutes commencent un peu partout, notamment à Sétif et Constantine où le 15°RTS et la Légion seront amenés à remettre de l'ordre..."
Témoignage de Jack Charpentier, engagé en février 1943, d'après les notes prises à l'époque. (Extraits).
Source: "Un soldat d'occasion raconte...le 15eme RTS" (Jacques Martin)